" Pourquoi voulez-vous que je redoute quelque chose? ", s'étonne Ségolène Royal. A l'avant-veille de son grand face à face télévisé avec Nicolas Sarkozy, la candidate du PS a reçu une flopée de conseils lundi pour un match qu'elle dit aborder avec sérénité, mais dont la quasi-totalité du PS reconnaît qu'il sera déterminant le 6 mai. D'un calme olympien, Ségolène Royal est "prête". " Pourquoi voulez-vous que je redoute quelque chose ? Toute ma vie politique a été faite de dialogue et de débats. Je n'en ai fui aucun ", a-t-elle relevé lundi, comme pour rappeler les joutes de la primaire au PS où elle a affronté deux orateurs hors pair, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn.
" C'est une épreuve, c'est un moment difficile et je m'y prépare au mieux ", concédait-elle néanmoins la semaine passée. C'est " un élément très important ", mais " pas déterminant ", ajoutait-elle. "Elle doit y aller pour le gagner, pas simplement pour le disputer", a appuyé lundi François Hollande, qui escompte 20 à 25 millions de téléspectateurs.
Presque tous au PS consentent que l'enjeu est de taille, notamment vis-à-vis des indécis et des électeurs UDF qui hésitent. "Il n'y a pas eu de débat aussi important depuis 1981", assure le Premier secrétaire du PS, pour qui 90% des électeurs ont tranché et 10% attendent ce débat "pour formuler leur choix". "Le débat peut faire basculer", croit Jean-Marc Ayrault. "Les débats de ce genre ont moins d'importance qu'il y a quelques années", relativise toutefois le fabiusien Claude Bartolone.
Leur premier conseil à la candidate socialiste: "être elle-même". "Elle se prépare en ayant le souci d'être sincère, authentique et crédible", sans "conseiller en communication", ni "expert", explique François Hollande. "Il faut être le coach de soi-même", renchérit Jack Lang, son conseiller. "Il ne faut pas qu'elle casse son image" car "ce qui a fait son succès, c'est ce côté naturel", plaide Claude Bartolone.
Sur le fond, Ségolène Royal entend mettre d'abord Nicolas Sarkozy "devant ses responsabilités" en le plaçant face à son "bilan". " La morale politique consiste à rendre des comptes ", prévient-elle. Un argument qui a jusqu'ici peu réussi. Tous insistent aussi sur la nécessité de porter le fer projet contre projet. Il faut " comparer les choix de société et les références de valeurs ", expose la candidate PS.
Pour François Hollande, "il faut aller débusquer" le candidat UMP sur ses mesures les plus polémiques -bouclier fiscal, franchise santé, heures supplémentaires-, sa "conception du pouvoir" et ses promesses contradictoires. "On ne peut pas promettre tout à tout le monde", "aux patrons de payer moins d'impôts, aux salariés d'avoir plus de salaire, aux chasseurs de pouvoir chasser, aux écologistes de pouvoir mieux respirer, aux vieux de devenir plus jeunes !", ironise le N°1 du PS.
Mais "il ne faut pas simplement qu'elle soit contre", avertit le patron du PS. Elle doit montrer qu'elle a "le projet le plus affiné sur la croissance, qu'elle est la plus capable de faire baisser le chômage", juge-t-il. Sans oublier l'axe de la rénovation politique, car "elle est la mieux placée pour changer les choses", ajoute M. Ayrault.
Gare toutefois à ne pas sombrer dans le "TSS" (Tout sauf Sarkozy). "Il faut qu'elle évite le piège de le faire apparaître comme le gentil garçon qui se fait débiner", conseille Claude Bartolone, qui suggère toutefois à la candidate d'être "pugnace" sur le fait " qu'avec elle, la démocratie ne sera pas menacée ". "Il ne manquerait plus que cela que (Nicolas Sarkozy) se découvre comme l'agressé", peste M. Hollande.
Dernier défi, de taille, pour Ségolène Royal: lever l'hypothèque persistante sur sa crédibilité. Ce qu'elle s'est employée à faire lundi en déroulant son "expérience politique de longue date". "C'est ça qui lui est disputé", admet François Hollande, pour qui "elle doit montrer que c'est elle qui a la compétence, la crédibilité et la capacité pour être la prochaine présidente de la République".
Dans ce grand oral crucial, la candidate du PS a pris une petite longueur d'avance en débattant avec François Bayrou. "C'était un bon galop d'entraînement", se félicite François Hollande.
Source : AP