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30 août 2007 4 30 /08 /août /2007 12:01
Le monde a changé et continue à changer vite. Les comportements changent eux aussi mais la nature humaine change-t-elle vraiment ? Le système médiatique va à 2000 à l’heure, le marché va très vite, l’action publique se déclenche souvent en retard et a besoin de temps pour produire ses effets, au-delà de l’action symbolique et importante des mots.

C’est pourquoi la première refondation nécessaire est liée au temps. Redonner de la profondeur de champ. Cela veut dire donner une priorité à l’enseignement de l’Histoire. C’est aussi ouvrir un grand débat avec les journalistes et les responsables des médias sur les moyens d’éviter l’instantanéité et l’atomisation du temps.

La deuxième refondation est liée à la morale. Je suis convaincu que la stabilité et la qualité de la vie collective dépendent de la morale, de la vertu des citoyens, comme disait Rousseau. En affirmant cela, je n’oublie pas la réalité des rapports de force et la nécessité d’une action collective pour changer les choses. Mais à une époque qui se caractérise à la fois par la montée de l’individualisme (ce qui compte d’abord, c’est moi et les miens ; je peux -ou je dois- m’en tirer seul ; je ne crois plus aux systèmes collectifs) et par la pression sur l’individu des modes et des médias, c’est aussi l’individu qui peut contribuer au progrès.
Le citoyen-usager tient une partie de la solution aux accidents de la route. Le citoyen-consommateur peut choisir le commerce équitable et le citoyen- investisseur les fonds éthiques.
Jaurès parlait de "socialisme individuel". Ce qui veut dire quoi aujourd’hui ? Admettre que la lutte de chaque individu pour conquérir son autonomie et son épanouissement est légitime et nécessaire. Débattre, puis mettre en évidence les comportements vertueux, les comportements citoyens. Y éduquer dès l’école : une éducation citoyenne, et pas seulement une instruction civique. Les valoriser par la reconnaissance publique.

La troisième refondation est liée au sens du monde et dépend pour une part des deux premières. Comment redonner un sens au monde, et, au passage, à l’action collective ? Comment ré-enchanter le monde, face à la religion de l’instant, à la religion de l’argent, face aussi aux tendances sectaires qui se développent dans beaucoup de religions ? Du côté des dérives religieuses, la réponse s’appelle évidemment laïcité, c’est-à-dire autonomie de l’espace public et tolérance. La laïcité n’est pas une vieille lune, c’est une nécessité d’avenir.
Du coté des dérives de l’argent-roi, la réponse devrait être simple. Valoriser, dans tous les sens du terme, le non-marchand, le coopératif, l’économie sociale et solidaire, l’engagement citoyen. Mais aussi abolir les privilèges de l’argent : rémunérations excessives et opaques (pas seulement des dirigeants d’entreprises !), passe-droits, privatisation des territoires ...

La quatrième refondation consiste simplement à rappeler et à se rappeler, les fondamentaux de la gauche, c’est à dire ce qui fait qu’il y a une gauche et une droite, et que ce n’est pas la même chose ! Affirmons que le combat contre les injustices et les inégalités est le premier de tous les combats, combat contre le désordre établi, combat pour instituer un ordre juste. Un peu plus de justice vaut bien un peu moins d’efficacité, si tels sont les termes de l’échange. Affirmons que la solidarité est nécessaire au lien social comme est nécessaire à la vie l’air que l’on respire.

La cinquième refondation consiste dans un pragmatisme absolu (je sais que je vais choquer !) pour rechercher les moyens les mieux adaptés aujourd’hui aux buts que nous poursuivons. En n’oubliant jamais que "la fin ne justifie pas les moyens" et que les moyens choisis influent eux aussi sur la fin. Pragmatisme absolu, cela veut dire regarder partout, sans tabou ni préjugé, ce qui marche.
D’où découle une méthode de changement profondément différente de celle qui a été le plus souvent pratiquée en France. Quel programme pour cette méthode ?
Le débat public en France manque dramatiquement d’une culture de l’évaluation. Sur les retraites par exemple, il ignore le plus souvent le travail consensuel mené par le Conseil d’orientation des retraites qui associe parties prenantes et experts. Même chose pour l’école.
Beaucoup, beaucoup moins de lois et de règlements. Evaluer, avant de légiférer. Fixer un objectif "bête et méchant", faute de quoi on en restera à l’incantation. Par exemple, diviser par 5 le nombre de lois et de règlements.
Avant une éventuelle loi, bien identifier et caractériser un problème, ce qui suppose un débat public organisé, maîtrisé et participatif. Et faire émerger des solutions, qu’elles viennent "d’en haut" ou "d’en bas".
Privilégier partout, à tous les niveaux, le contrat, la négociation, l’expérimentation dès lors que la loi a fixé le cadre. Par exemple, en cas de licenciement collectif, rechercher un accord majoritaire plutôt que de transformer la procédure de licenciement en cérémonial chinois (Frédéric Tiberghien).
Evaluer en permanence (le Parlement), de manière transparente, les résultats effectifs du changement attendu.



La campagne présidentielle a montré que nous avions aussi à retravailler sur les valeurs.
Quelles sont les valeurs identifiantes de la gauche ? La justice et la solidarité. Nous devons les réaffirmer et les traduire en choix concrets.
Quid alors de la valeur travail ? Nicolas Sarkozy a manifestement gagné la bataille idéologique consistant à s’approprier cette valeur. Ségolène Royal a tenté de réagir, mais nécessairement tard et par conséquent en n’échappant pas à une certaine ambiguïté. Comme le souligne Dominique MÉDA, les messages qu’envoient les Français sur cette question sont complexes et nuancés.
Je reprends ici son analyse :
- Les Français sont, parmi les Européens, les plus nombreux à dire que le travail est important. Ceux qui sont le plus attachés au travail comme élément clé de leur existence sont les chômeurs et les précaires.
- Les Français sont aussi les plus nombreux à dire que le travail devrait occuper moins de place dans leur vie.
Les attentes qui se portent sur le travail sont de plus en plus fortes : il doit faire sens, il doit permettre des contacts humains intéressants.
Quelle serait une position de gauche sur le travail ?
S’il faut un slogan : travailler tous, travailler mieux.

En pratique :
- Eradiquer les emplois de piètre qualité (qui d’ailleurs sont souvent peu productifs)
- Investir massivement dans la qualification de la main d’œuvre (formation continue et formation initiale : mettre un terme aux sorties sans qualification du système scolaire).
- Refuser la culpabilisation sur le thème : "nous ne travaillons pas assez". La durée effective annuelle moyenne du travail en Allemagne, aux Pays-Bas ou au Danemark est inférieure à la nôtre (en raison du temps partiel). La productivité française par heure travaillée reste une des plus fortes au monde. Ce qui fait problème ce n’est pas que les Français ne travaillent pas assez, c’est qu’il n’y a pas assez de Français qui travaillent et c’est qu’il y a trop de précarité (en particulier le temps partiel subi).



Enfin, quelques propositions majeures.

1) On nous dit : "Cessez de diaboliser la mondialisation". "Reconnaissez que c’est un fait". Nous sommes d’accord. "Admettez qu’elle a permis le décollage et la croissance d’une partie du monde notamment en Asie". C’est vrai !
Mais le problème n’est pas là. Le problème est que la mondialisation est d’abord et avant tout une mondialisation financière. Et c’est pour cette raison qu’elle est dangereuse, instable, difficile à contrôler. Comme on le constate en ce moment même. Où va le monde avec la recherche d’une rentabilité de 15, 20, 25% des fonds de placement ?
La révolution, c’est que pour la première fois dans l’histoire, la mondialisation est en train d’aboutir à la mise en concurrence directe de tous les travailleurs de tous les pays. C’est pourquoi l’opinion publique est en train de basculer, dans beaucoup de pays développés, vers une peur de la mondialisation.
Il va être très difficile de mettre en place des régulations et des protections, tant les rapports de force sont défavorables, tant cela est contraire à l’hyper-idéologie hyper-dominante. Elles sont pourtant indispensables. Et cela ne pourra se faire qu’en étroite liaison avec le mouvement syndical européen et mondial.
Désormais, le compromis entre le travail et le capital ne peut se construire qu’à l’échelle mondiale. C’est donc à l’échelle mondiale qu’il va falloir mener une gigantesque bataille, qui est d’abord une bataille idéologique.

2) La démocratie sociale doit être pour l’avenir un thème central des socialistes. Ségolène Royal a raison, nous avons besoin d’un syndicalisme de masse C’est une condition nécessaire à la fois pour équilibrer le pouvoir des actionnaires et pour élaborer de meilleurs compromis dans l’entreprise. La démocratie sociale passe évidemment par une représentation forte des salariés dans les conseils de surveillance et les conseils d’administrations. A partir du moment où le syndicalisme sera fort, des négociations seront possibles jusqu’au niveau de l’entreprise.

3) Notre modèle social est entièrement à reconstruire. Plus de solidarité, plus de justice, beaucoup moins de dispositifs et de guichets. Admettons que les normes de portée générale butent sur la complexité du réel et la diversité des situations. Recherchons-donc, chaque fois que possible, l’individualisation des réponses, qu’il s’agisse de chômage, d’insertion ou de formation.

4) Education : Priorité au soutien scolaire gratuit pour tous les élèves qui en ont besoin, à une information sur les métiers plus développée et plus en amont, à des "écoles de parents", aux écoles de la deuxième chance pour ceux qui ont échoué dans le système scolaire.

5) International : La défense des droits de l’homme doit cesser d’être une incantation pour devenir une pratique raisonnée et conduite autant que possible à l’échelle de l’Europe.
Le terrorisme est la menace numéro 1. On ne peut y répondre qu’en accroissant et en améliorant la coopération internationale qui repose, au niveau des services, sur la confiance.
L’intégrisme islamique, organisé et pas individuel, constitue une agression en règle contre les valeurs sur lesquelles sont fondés à la fois la démocratie et les droits de l’homme au niveau international. Je suis convaincu que nous ne sommes pas loin d’une guerre des civilisations. A cela, deux réponses :
- ne soyons plus naïfs
- encourageons partout, de toutes nos forces, l’émergence d’un islam laïque et progressiste.

6) L’Europe, enfin
Disons la vérité : l’élan est perdu, la foi européenne est à reconstruire. La question centrale n’est pas celle d’un traité européen, mini ou pas. La question centrale est : à quoi sert l’Europe ?
Je suis certain qu’elle est plus que jamais indispensable, comme espace de valeurs partagées, de solidarités et, potentiellement, de croissance économique. Mais cela reste entièrement à démontrer à nos concitoyens européens. Dans l’immédiat, une seule voie : un moratoire sur les élargissements, la recherche d’un minimum de protection par rapport à la course folle au moins-disant social, enfin l’Europe concrète, celle des peuples et des profits, l’Europe par la preuve.

Jean-Louis BIANCO, Député des Alpes de Haute-Provence
Publié par Betapolitique.
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